Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le monde de Francesca
18 février 2008

La noyée du pont des Invalides, Yves Josso

Clemence_tome_2

Présentation de l'éditeur

Au cœur de l'automne 1886, Clémence de Rosmadec est de retour à Paris pour suivre ses cours de peinture au célèbre atelier Cormon. Elle apprend que la jeune modèle qu'elle peignait depuis des semaines a été retrouvée étranglée puis jetée dans la Seine. Encore animée par le souvenir de sa première enquête à Pont-Aven quelques mois plus tôt, Clémence décide de faire la lumière sur la mort de la malheureuse. A travers la capitale, elle tente de reconstituer l'itinéraire de la victime, de sa pension sordide aux ateliers de peinture où l'on peut croiser des artistes tels que Gauguin ou Toulouse-Lautrec. Pour Clémence, les pistes s'accumulent, d'autant qu'une bande de vandales saccage des toiles d'artistes dans leurs ateliers. Société secrète ? Peintres jaloux ? Aidée de son complice et ami le turbulent Antoine, Clémence devra faire preuve d'acuité et de prudence pour résoudre cette délicate enquête.

Mon avis

Après Eté meurtrier à Pont Aven, c’est une nouvelle enquête qui est menée tambour battant par Clémence de Rosmadec, peintre et détective à ses heures perdues. Après la charmante station balnéaire de Pont Aven où la province campagne fleurait bon le soleil et les vacances, le décor est planté cette fois à Paris, capitale en pleine effervescence et en totale évolution urbanistique, culturelle et intellectuelle. L’ambiance se retrouve chamboulée, pour le plus grand bonheur des lecteurs qui découvre une nouvelle facette de l’auteur qui prend un malin plaisir à faire évoluer ses personnages dans le bon sens et avec un style toujours si particulier à lui qui lui réussit merveilleusement.

A la rentrée, comme tous les étudiants, Clémence de Rosmadec regagne sa demeure principale et reprend ses études à Paris. C’est accompagnée d’un nouveau protagoniste, Antoine, un de ses camarades artistes qui est le portrait craché de Gavroche dans le caractère, la gouaille et la joie de vivre, qu’elle poursuit son existence bourgeoise et cependant très libre. A la façon d’un titi parisien, Antoine emmène Clémence, et le lecteur par la même occasion, à travers le dédale des rues parisiennes et les coins fourmillant de chemins hasardeux, à l’époque où le baron Haussmann poursuivait ses vastes travaux de rénovation de la capitale. Les quartiers célèbres de Paris y sont décrits tels qu’ils étaient à l’époque, mélangeant pauvreté et archaïsme, de façon tellement prenante qu’on a l’impression d’y être et de marcher à côté du couple d’amis.

Le cercle de peintres rencontré dans le premier tome n’est cependant pas oublié puisqu’on retrouve avec plaisir un Gauguin toujours aussi créatif malgré une maladie passagère, véridique d’après les faits historiques, et on fait la connaissance côté coulisses d’autres artistes débutants à l’époque mais qui allaient devenir célèbres à travers le monde plus tard comme Henri de Toulouse-Lautrec, Emile Bernard ou Vincent Van Gogh. Le fait que Clémence ait pu côtoyer ces meneurs de différents courants picturaux n’a rien d’invraisemblables puisque les artistes majeurs avaient l’habitude d’être côtoyés et même de travailler avec nombre de nombreux peintres débutants, talentueux ou non et inconnus du grand public. Néanmoins, on n’assiste pas à une leçon de peinture à proprement dire, mais plutôt une agréable promenade à travers cette ébullition créative qui semble très éloignée à la plupart des gens.

Clémence a mûri de quelques mois depuis sa première affaire et dispose désormais d’un atelier personnel, à l’abri des regards qui lui permet de jouir d’une indépendance de mouvement et d’esprit étonnantes pour une jeune femme de son époque. Comme il est expliqué dans le roman, son père, architecte et proche des artistes, fait preuve d’une grande ouverture d’esprit, lui accorde cette autonomie et l’encourage à développer ses talents. Cette liberté se retrouve jusque dans sa manière de penser et d’agir. En effet, à l’aube de ses 20 ans, toujours célibataire, elle n’éprouve aucune gêne à entretenir non seulement une, mais deux relations distinctes dans le même temps. Cela pourrait paraître choquant mais le personnage de Clémence ne voit rien de répréhensible dans cette façon de vivre, et le lecteur se retrouve pris dans l’engrenage sans avoir à juger ce comportement. Aimant et étant aimée de deux hommes complètement différents, elle y trouve une stabilité affective, une sécurité et un épanouissement de la passion et de ses sens qui la rendent heureuse. Entre Gildas, son ami d’enfance breton, marin et issu d’une famille modeste, et Erwan, le neveu parisien du commissaire de police, étudiant en droit, son cœur balance mais elle ne peut se résoudre à vivre une histoire exclusive avec un seul des deux. Heureusement, chacun ne connait pas la situation de son rival et l’équilibre précaire et fragile tient malgré tout.

Toute à cette existence faite de menus plaisirs, et toujours entourée de sa famille réunie au grand complet, composée de personnages aussi excentriques que sympathiques, Clémence se lance dans une nouvelle intrigue policière qui la mène dans les milieux de l’art et du modélisme qu’elle connait bien, mais également dans les travers sordides de la prostitution et de la traite des femmes. L’enquête est menée à travers les fausses pistes et les suspects plus ou moins fréquentables ou dangereux. Heureusement, elle est aidée de ses amis fidèles, toujours prêts à lui rendre service dans ce milieu fermé et pourtant tolérant de l’art. Le langage est encore un point fort de ce nouveau récit. Après le parler rural, voici la gouaille parisienne qui s’annonce avec tout ce qu’il comporte d’expressions argotiques, de chants paillards et de poèmes improvisés qui symbolisent cette époque où différents langages se mêlaient et définissaient l’appartenance à une classe sociale. Cette façon de parler si familière est très chaleureuse et permet au lecteur de se sentir baigné dans cette atmosphère survoltée où malgré la tenue en public, le langage était franc et coloré.

Encore une nouvelle fois, Yves Josso a réussi à nous entraîner dans son histoire, et c’est tant mieux d’autant plus qu’on attend désormais la suite avec impatience, et qu’on espère qu’elle ne tardera pas trop longtemps !

La noyée du pont des Invalides

Publicité
Publicité
Commentaires
Le monde de Francesca
Publicité
Le monde de Francesca
Newsletter
Derniers commentaires
Mes réseaux sociaux
Mes avis sur Instagram
Archives
Publicité