Little Brother, Cory Doctorow

Présentation de l’éditeur

Fan de nouvelles technologies et de jeux vidéo en réseau, Marcus, 17 ans, mène une vie sans histoires... même s'il défie parfois les caméras de surveillance du lycée ou pirate quelques sites Internet. Jusqu'au jour où il est pris dans les mailles d'un service anti-terroriste, emprisonné et torturé. Marcus décide alors de combattre les abus du pouvoir en utilisant ses talents informatiques. Un acte de résistance, qui se transformera en un vaste mouvement de rébellion...

Mon avis

Ce très bon roman jeunesse montre les limites de la lutte contre le terrorisme par les autorités et le contrôle de l’information. Il résonne particulièrement en ces temps agités non seulement par le printemps arabe où les réseaux sociaux, malgré leur censure, étaient le seul moyen de communication entre les révolutionnaires, l’affaire de la fermeture de Megaupload et la réaction d’Anonymous, et plus proche de nous, le fichier d’informations personnelles que prépare Claude Guéant.

Marcus a 17 ans et est passionné par l’électronique. Avec ses amis, il a construit son propre ordinateur, n’a pas son pareil pour hacker les systèmes de sécurité de son lycée, et adore les jeux de rôles, que ce soit grandeur nature ou sur internet. Lors d’un de ces jeux à énigmes, il se trouve sur le lieu d’un gigantesque attentat et est capturé par ce qui semble être des agents gouvernementaux. Après des interrogatoires musclés et un traitement indigne de la condition humain, il est relâché en compagnie de ses amis, sauf un… Il décide alors de se venger et de sauver son meilleur ami en utilisant ses ressources informatiques, tout en essayant de ne pas se faire repérer par les autorités qui ont décidé de multiplier les contrôles et les surveillances. Marcus est très malin et curieux, cela fait de lui une menace dangereuse aux autorités qui ne sont pas capables de le tracer.

Bien que le roman de Cody Doctorow soit une fiction, les faits sont suffisamment proches de la réalité pour que ça soit troublant : nous sommes déjà suivis à la trace par notre carte de transport en commun, nous laissons beaucoup d’informations sur notre identité et nos activités sur Internet, nous sommes filmés par de nombreuses caméras, visibles ou pas… Les questions que posent l’auteur sont vraiment pertinentes et source de réflexion : Peut-on tout se permettre au nom de la sécurité? Les mesures prises sont-elles vraiment efficaces? Certains disent que puisqu’on n’a rien à se reprocher, les collectes d’information, les contrôles, le traçage ne sont pas gênants. Mais il ne s’agit plus de notre sécurité, ni de notre liberté, mais de notre intimité. Est-ce que vous aimeriez qu’on planque une caméra chez vous, alors que vous n’êtes coupable d’aucun crime?

Cody Doctorow est membre de l’EFF, l’Electronic Frontier Foundation, une organisation non gouvernementale internationale à but non lucratif qui milite pour la liberté d’expression sur Internet. Il est bien sur un grand fan du roman de 1984 de George Orwell, mais en tant que spécialiste des nouvelles technologies, il a pu étayer son roman de manière abondante sur ce thème. Je ne suis pas une spécialiste mais certains thèmes ont eu un écho chez moi. Cody Doctorow a passé beaucoup de temps à expliquer dans ce roman les techniques de cryptage, de serveurs, etc… C’est parfois déroutant et complexe, mais c’est toujours intéressant (à défaut de s’en servir ou plutôt de savoir s’en servir). Il y a toujours un mélange de fiction de réalité, notamment certains termes et marques qui sont utilisés dans le roman.

Le manichéisme s’exprime malheureusement avec la séparation entre les adolescents et les adultes. L’une des expressions du roman est de ne pas faire confiance aux personnes de plus de 25 ans. Certes, les représentants des autorités sont généralement des adultes et incarnent une vision de la société à laquelle Marcus n’adhère pas et contre laquelle il se bat, mais ce n’est pas pour ça qu’il faut mettre tous les plus de 25 ans dans le même panier, ils peuvent partager ses idées et surtout l’aider. J’ai trouvé le traitement de cet aspect un peu simpliste.

Beaucoup de références directes ou détournés à notre monde actuel de plus en plus contrôlé et où surgissent des poches de résistance et de volonté de protection de notre intimité personnelle nourrissent le roman. Marcus vit dans la ville de San Francisco, siège de l’EFF soit dit en passant, et symbole d’une certaine tolérance, douceur de vivre et bouillon d’innovation. Ce symbole là est également fort puisque tout se joue à partir de là. En voulant apporter sa pierre à l’édifice, Marcus touche de plus en plus de monde, jusqu’à constituer une véritable armée cybernétique contre lesquels les forces de l’ordre sont dépassés. L’enfermement qu’a subi Marcus fait également pensé à Guantanamo dans laquelle des personnes sont emprisonnés sans jugement, et torturés.

Cody Doctorow est plutôt un auteur de science-fiction pour adultes mais sous l’impulsion de ses amis Scott Westerfeld et Justine Labarlestier, il a écrit un roman jeunesse. Jeunesse par son héros de 17 ans mais universel par son message. Le roman est bourré d’action et de suspense, à la manière d’un thriller, il se dévore et permet de voir d’un autre œil le monde dans lequel on vit. Je ne vous encourage pas néanmoins à devenir paranoïaque ^^

Le roman est complété par quelques postfaces avec des explications de la part d’un professionnel de la sécurité, d’un hacker et de l’auteur lui-même. En résumé, aucun système de sécurité n’est infaillible, le but étant de trouver les failles justement pour les renforcer encore et toujours.

Little Brother

Comments

[Tiphanya]

J'ai apprécié les 3/4 du roman. Comme toi, j'ai été surprise par la ségrégation adultes/ados.

Actuellement aucune raison de devenir paranoïaque, car il n'y a aucun moyen de centraliser toutes les informations collectées sur nous à longueur de temps (cartes de fidélité, carte de transport, carte de bibliothèque, etc), et encore moins de les analyser. Nous avons donc encore quelques années de liberté informatique devant nous. Cependant je fais quand même toujours attention à ce que je poste sur internet, car cela peut toujours être conservé, transformé et réutilisé. Je pense notamment à tous ces gens qui mettent des photos de leurs enfants en ligne...

[Jess]

Comme toi, ce roman m'a énormément plu par son histoire mais aussi le message très fort qu'il véhicule. Dommage qu'il y ait un peu trop de passages geeks complexes, la non initiée en moi a eu beaucoup de mal à comprendre ^^

[bouma]

un sujet qui me parle. ton avis me donne encore plus envie de le lire.

[Mycoton32]

J'ai adoré moi aussi cette lecture même si on ne peux pas s'empêcher de se demander finalement quelle est la vraie part de fiction hormis la partie "attentat" ! En tout cas, ça fait un peu froid dans le dos mais comme tu dis, aucune raison de devenir paranoïaque :)